Se repérer sur la Terre
Des technologies complémentaires


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« Deux navigateurs hollandais, piégés par la tempête alors que leur GPS était en panne, sont parvenus sains et saufs à Curaçao grâce a un sextant décorant leur cabine de pilotage. »

On connaît le mot sextant mais qui sait véritablement le définir, lui et ses tenants ? « C'est une boussole utilisant les étoiles », répond le qu'en-dira-t-on... Est-ce un substitut, ou plutôt un indispensable allié ?

 

 

I] Historique

 

 

Au XVIIe siècle, le quart de nonante remplaçait les astrolabes et l’arbalète, mais restait d’un emploi difficile par mer agitée, faute d’un moyen permettant la visée simultanée de l’astre et de la ligne d’horizon. L’invention des appareils à réflexion résolut le problème. C’est ainsi qu’en 1699 Newton créa le premier appareil à double réflexion, utilisant des miroirs. Puis en 1731, le mathématicien anglais Hadley (John de son prénom) et l'ingénieur américain Thomas Godfrey inventèrent simultanément mais indépendamment l’un de l’autre un quadrant réfléchissant, que l’on assimile aujourd’hui à un octant, mais à partir duquel va être créé le sextant, plus précis.
Contrairement à la boussole, le principe de fonctionnement de ce type d'appareil de navigation reste tout de même assez complexe et nécessite un petit apprentissage…

 

Sextant - XIXème siècle

 


II] Composition et principe de fonctionnement

Un sextant est composé de deux miroirs, un fixe (A) et un mobile (B), d’une lunette de visée (O) et d’un arc de cercle gradué (voir le schéma 1). Cet arc de cercle est de 60°, soit un sixième de cercle, d’où le mot sextant. Le miroir fixe est appelé miroir d’horizon. Sa moitié supérieure est transparente alors que sa moitié inférieure est réfléchissante. Pour mesurer l’élévation d’un astre (l’angle ), la démarcation entre les deux moitiés du miroir doit concorder avec l’horizon (H) lorsqu’on regarde dans la lunette de visée. Le second miroir, celui qui est mobile, est fixé à un levier (L) dont le point d’attache se trouve au sommet (S) de l’appareil. Ce miroir réfléchit la lumière provenant des astres vers le miroir fixe. En regardant dans la lunette de visée, on voit donc une partie du ciel étoilé superposé à l’horizon. Pour obtenir la mesure de l’élévation d’un objet céleste, il suffit de déplacer le miroir mobile jusqu’à ce que l’image de l’objet en question concorde avec la ligne d’horizon. Le levier indique alors un angle (l’angle ) sur l’arc de cercle gradué. Cet angle est la moitié de l’élévation de l’astre, puisque la lumière subit deux réflexions. Lorsque la ligne d’horizon n’est pas visible, en ville ou en région montagneuse par exemple, la surface d’un liquide réfléchissant comme le mercure peut servir de ligne de référence.

 

Schéma 1

Mais à cause de la rotation de la Terre sur elle-même, il peut être compliqué de déduire la latitude à partir de l’élévation d’un astre quelconque. Il est donc préférable d’utiliser comme astre de référence une étoile dont la position est fixe en tout temps. Dans l’hémisphère Nord, cette étoile est l’étoile Polaire (on se retrouve !). Mais au fait, pourquoi nous semble-t-elle immobile dans le ciel ? L'explication est simple : l’axe de rotation de la Terre pointe presque exactement dans sa direction (voir le schéma 2). Son élévation mesurée au point O (l’angle ) ainsi que le quasi parallélisme des rayons de l'étoile permettent d'assimiler l'angle à l'angle théorique (bien que l'analogie ne soit pas illustrée par le schéma). Il est ainsi possible d’obtenir directement une mesure de la latitude (l’angle ) de l’endroit où l’on se trouve. Dans le schéma 2, on a en effet, d'après le théorème de Thalès :

Ce qui prouve que les triangles SAB et COA sont semblables. Il en résulte .

Or, et est déterminé grâce au sextant. Comme , on a donc successivement :

L'angle mesuré au sextant correspond donc à l'angle qui est précisément la latitude cherchée ! (voir ici pour un rappel sur la latitude et la longitude)

Malheureusement, l’étoile Polaire n'a pas d'homologue dans l’hémisphère Sud. Il faut alors se servir d’étoiles qui ne sont pas fixes pour déterminer la latitude, ce qui peut s’avérer particulièrement complexe et nécessite un couplage avec l'estime (pour l'observation de la configuration céleste) pour se reporter efficacement sur une carte de la voûte céleste déterminée à une heure précise.


Schéma 2


III] Une symbiose instrumentale

Si le monde de la navigation a été profondément transformé grâce à l'invention de l'octant (45° d'angle) puis du sextant (60° d'angle), le compas n'est pas pour autant passé à la trappe, pas plus que l'estime. Par contre, la précision d’environ une minute d’arc du sextant, ce qui correspond à une erreur de position d’un mille nautique (1852 mètres), semble définitivement avoir relégué l’astrolabe au rang d’antiquité.


Astrolabe orbitaire

Aujourd'hui, le sextant semble lui-même dépassé et en voie de disparition face aux systèmes de positionnement par satellite. On peut toutefois n'y voir qu'une technologie complémentaire, une sécurité, extrêmement précise certes mais nécessitant une alimentation électrique, pas toujours à portée dans les canaux de sauvetage des grands paquebots de croisière ou des voiliers de plaisance privés. En 1984, Gilles Mayer (oncle d'Erwin) traversa ainsi l'Atlantique par les seuls repères stellaires et magnétiques a bord d'un voilier qu'il avait lui-même construit.

 

 
Octant - Musée de la Marine
 
Géographe - XVIIIème siècle