Se repérer sur la Terre
Des technologies complémentaires


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Marine & Nature...


L'eau pour sa relativité immense

Le vent pour son inconstance

Le ciel comme référence…

 

Parce que l’effrayante uniformité des étendues aquatiques était bien plus difficile à comprendre, à appréhender, à modéliser que le continent, le repérage fut tout d’abord l’apanage des navigateurs. Il y a environ trois mille ans, des marins phéniciens quittèrent leurs ports d'attache, sur la côte orientale de la Méditerranée, pour commercer avec l'Europe et l'Afrique du Nord. Au IVe siècle avant notre ère, un explorateur grec du nom de Pythéas fit le tour de la Grande-Bretagne. Et bien avant que les navires européens ne pénètrent dans l'océan Indien, les marins arabes et chinois l'avaient déjà traversé. Comment ces marins du passé se repéraient-ils en mer ?

 

 

Un repérage à l’estime

 

Il importe de disposer de trois données :

1) son point de départ

2) son cap (sa direction)

3) sa vitesse

Si le point de départ est évident, comment connaître en revanche son cap et sa vitesse?

 

Point de départ.

Schéma : Navigation à l’estime

Vitesse   Cap

Déterminée à l’aide d’un morceau de bois, d’une corde comportant des nœuds régulièrement espacés et d’un sablier.

 

Déterminé par l'observation des courants, des étoiles, du soleil et du vent.

à Comment évaluer la vitesse du navire ?   à Comment maîtriser le cap suivi ?
En calculant le temps qu’il met à dépasser un objet jeté depuis la proue. Et pour plus de précision, en jetant par-dessus bord une planche attachée à une ligne comportant des nœuds régulièrement espacés : La planche flotte, déroulant la ligne à mesure que le navire avance. Après un temps donné, la ligne est retirée et l’on peut compter le nombre de nœuds ayant filé. La vitesse ainsi déterminée s’exprime en nœuds, autrement dit en milles marins par heure, une unité de mesure encore largement en usage aujourd’hui. Une fois sa vitesse connue, il est possible de calculer la distance parcourue par le bateau en la multipliant par la durée écoulée et mesurée avec un sablier par exemple (voir également le repérage par satellite à ce sujet, qui reprend le même principe).
 

En analysant les changements de la voûte céleste. Du lever au coucher, le soleil décrit l’axe Est-Ouest. À l’aurore, les navigateurs peuvent noter la variation de la déclinaison du soleil en comparant sa position avec celle des étoiles encore visibles. L’étoile polaire qui apparaît après le crépuscule presque à la verticale du pôle Nord est un repère très apprécié. Dans l’hémisphère austral, c’est toute une constellation, la Croix du Sud permet de localiser le pôle Sud (donc également le Nord). Enfin, si le ciel est couvert, il est possible de s’orienter à la houle : des ondulations longues et régulières provoquées par des vents stables, qui ont préalablement été analysées, permettent de déduire les caracté-ristiques théoriques de la carte du ciel.

1. Morceau de bois ; 2. Corde ; 3. Sablier

Régulièrement, le navigateur calculait les corrections dues aux courants marins et aux vents latéraux. Sur une carte marine on tirait alors un trait pour indiquer son avancée par rapport au référentiel établi.

                                                       Carte de navigation attribuée à Christophe Colomb

 

Une méthode plus directe était utilisée par les Polynésiens qui lisaient le ciel nocturne comme une carte routière. Une de leurs méthodes consistait en effet à se diriger vers une étoile qu’ils savaient se lever ou se coucher en un point de l’horizon proche de leur destination. Ils contrôlaient aussi l’alignement d’autres étoiles pour s’assurer qu’ils étaient dans la bonne direction.

Ces deux techniques étaient-elles fiables ? Lorsqu’elle était soigneusement consignée, l’estime avait l’avantage d’être utile aux futurs repérages. Dès le 14ème siècle, la découverte d'îles impose aux marins des méthodes de navigation à l'estime pour pouvoir retrouver ces îles. Mais tandis que les Européens longeaient encore les côtes, certaines tribus du Pacifique faisaient déjà, si l’on suit certaines hypothèses, de longs voyages transocéaniques entre des îlots minuscules. Il y a plus de 1 500 ans par exemple, des Polynésiens quittèrent les îles Marquises pour parcourir quelque 3700 kilomètres avant d’accoster à l’actuelle Hawaii. Des marins de notre époque ont reconduit avec succès cette expérience en ne s’orientant qu’avec les étoiles, la houle et d’autres phénomènes naturels, sans utiliser d’instruments.

Aux antipodes, les navigateurs de l’océan Indien ont appris à tenir compte du calendrier. Les vaisseaux qui doublaient le cap de Bonne Espérance en direction de l’Inde devaient partir au début de l’été, sous peine d’attendre des vents propices pendant des mois. Ceux qui larguaient les amarres pour se rendre en Europe quittaient l’Inde à la fin de l’automne pour ne pas avoir à affronter la mousson d’été. La route de l’océan Indien ressemblait donc à une voie à circulation alternée.

En combinant sa faculté analytique avec une observation exclusive des éléments naturels, l’homme peut donc déjà se repérer admirablement. Il a néanmoins besoin des conclusions de ses erreurs passées pour donner un sens à l’interprétation de sa situation.